L’école Hyôhô Niten ichi ryû

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miyamoto-musashi-nito-ryuQui ne connaît pas l’école des deux sabres ? Curieusement, beaucoup de pratiquants d’arts martiaux japonais n’en n’ont jamais entendu parler. Et pourtant le nom de son fondateur résonne dans toutes les oreilles puisqu’il s’agit du plus grand sabreur et duelliste qu’est connu le Japon : Miyamoto Musashi.

 

Miyamoto Musashi est l’archétype du samouraï sans maître, le rônin, même si toute sa vie sa démarche montre qu’il fut constamment à la recherche de quelqu’un capable de lui enseigner le sabre. Finalement, d’errances en épreuves, de rencontres en duels, il forgea sa propre technique de sabre, ce qui n’est pas donné à tout le monde. En fait, Musashi passa sa vie à étudier le sabre, seul. Sa plus grande caractéristique est un grand pragmatisme technique. Pour preuve, il testa toutes ses techniques en duel. Etude du tachi, du bokken, du kodachi, du tanto, du bô (bâton long), tout y passa. Mais sa grande innovation fut d’utiliser pour la première fois, et de manière répété, l’usage des deux sabres en même temps (katana et wakizashi).

 

Une expérience sur le champ de bataille

 

Sans revenir sur la biographie de Musashi largement traitée dans de nombreux livres, romancés ou non, la première expérience armée du jeune Miyamoto est le fracas des armées sur un champ de bataille, âgé de 17 ans seulement. C’était la bataille de Sekigahara, en 1600, où il eut le « mauvais goût » d’être dans le camp des vaincus. Cette expérience d’où il ressortira miraculeusement vivant (il fut laissé pour mort), le conduit à réfléchir sur les techniques utilisées par les bushi. Dans la confusion et la boucherie de la bataille, les guerriers ne faisaient pas dans la dentelle. Dès que le katana cassait, il sortait le petit sabre, voir le tanto dans le corps à corps pour chercher la faille dans l’armure adverse. Mais s’il le fallait, dans le but de survivre et de tuer, on faisait feu de tout bois si j’ose dire pour avoir le dessus sur l’adversaire. Suite à cette expérience, il se demanda pourquoi avoir deux sabres à la ceinture si ce n’est pas pour les utiliser ensemble et augmenter ses chances de victoire. C’est ainsi qu’il se mit à étudier et à tester sa techniques à deux sabres, très pratique face à plusieurs adversaires.

 

Des duels à répétition

Musashi avait une expérience du sabre acquise par le biais de son père, Shimmen Iga-no-kami. Il tua en duel pour la première fois un certain Arima Kihei en 1596, alors qu’il n’avait que 13 ans. Jusqu’à l’âge de 29 ans, il enchaina une soixantaine de duels, record inégalé dans les annales japonaises. Il utilisait généralement un bokken contre des adversaires armés de katana. Etait-il vraiment doué ou complètement enragé ? Les deux sans doute. Par exemple, il anéanti toute l’école d’escrime Yoshioka à lui seul contre… 60 combattants. Son dernier duel fut contre le nom moins célèbre Kojirô Sasaki, qu’il battit sur l’île de Fuma grâce à un très long bokken taillé dans une rame. La légende veut qu’il perdit toutefois au moins un duel.

Un jour à Edo (actuel Tôkyô) un samouraï du nom de Muso Gonnosuke Katsukichi défiait qui voulait dans un affrontement au sabre. Il remportait tous les duels jusqu’au jour où il croisa Musashi. Il fut vaincu par le style inhabituel de ce dernier, notamment la technique de la croix avec les deux sabres. Curieusement Musashi ne le tua pas. Après cette défaite, Gonnosuke se retira 37 jours dans le sanctuaire de Kanado. Il eut la révélation d’utiliser une nouvelle arme, un bâton droit faisant 30 cm de plus qu’une lame standard. Le jô était né. Après quelques années d’entrainement, les deux duellistes se retrouvèrent. Cette fois ce fut Gonnosuke qui eut le dessus. En souvenir du premier duel, il laissa la vie sauve à Musashi. Ceci explique pourquoi le jô-jutsu, puis l’école de jôdo Shindo Muso Ryû, ont transmis des techniques de jô pour contrer deux sabres.

 

Création d’une école d’escrime

Musashi créa l’école Niken ryû (que l’on peut aussi lire Nito ryû, soit l’école des deux sabres), puis Niten ryû (l’école des deux ciels). Son style est hors du commun puisqu’elle utilise les deux sabres simultanément. A 59 ans, il se retira pour méditer et rédiger le fameux Traité des 5 roues (Go rin no sho) qui est un livre de stratégie. Son école sera alors appelée par la suite Hyôhô Niten Ichi ryû, soit l’école de la stratégie des deux ciels. En effet pour Musashi, la technique n’est rien sans l’art de la stratégie. Il doit d’ailleurs bon nombre de ses victoires à ses stratagèmes. Dans le cas du duel contre l’école Yoshioka, il doit son salut au fit de combattre sur les digues qui séparent les rizières. Ainsi, seul deux combattants à la fois (un devant, un derrière) pouvait l’affronter, les autres étaient englués dans la boue des champs. Cette école d’escrime fondée par le plus grand sabreur de toute l’histoire du Japon, n’eut pourtant personne pour l’enseigner. Son disciple à qui il avait transmis ses techniques mourut avant lui. Pourtant l’école Hyôhô Niten Ichi ryû est enseignée aujourd’hui à travers le monde, dans quelques pays chanceux (France, Belgique, Italie, Allemagne, Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Roumanie, Canada, certains pays d’Amérique du Sud et bien sûr Japon). L’école s’est donc créée de toutes pièces à partir des écrits de Musashi, mais sans transmission directe, ce qui est assez rare pour être soulignée.

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(Les gardes de cette école sont nombreuses. Notez leur variété par rapport à une autre école)

 

Un vrai défi pour les kenjutsuka

Alors que cette école devrait, de part son illustre fondateur, être la plus courue, elle reste à ce jour assez confidentielle. Deux raisons à cela. La première est qu’elle fut longtemps enseignée au sein des koryû, dont l’accès est toujours aussi restreint et difficile. Ensuite parce que la manipulation de deux sabres à la fois n’est pas aisée. J’avais essayé pendant des années de manier deux bokken à la fois, sans trouver la logique du mouvement sous-jacent. Résultat, quelques bosses et des mouvements qui ne ressemblaient à rien. Grâce à Matsuura Senseï et à sa sensibilité particulière aux mouvements de l’énergie, j’ai pu ne plus m’emmêler les bokken. Les katas de cette école m’ont ouvert une nouvelle dimension dans la façon d’utiliser les sabres, mais surtout d’utiliser le corps. La vraie révélation de Niten Ichi ryû est la possibilité de relâcher son corps à tout moment, sans avoir à chercher pendant des années. La position de base mu-gamae est tout à fait claire à ce sujet (cf dernière image de la planche au-dessus). Je ne peux donc que vous inciter à découvrir cette école de kenjutsu aussi riche que plaisante.

 

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Ivan Bel

Depuis 30 ans, Ivan Bel pratique les arts martiaux : Judo, Aïkido, Kenjutsu, Iaïdo, Karaté, Qwankido, Taijiquanet Qigong. Il a dirigé le magazine en ligne Aïkidoka.fr, puis fonde ce site. Aujourd'hui, il enseigne le Ryoho Shiatsu et la méditation qu'il exerce au quotidien, tout en continuant à pratiquer et écrire sur les arts martiaux du monde entier.

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