Tsuki avec le poing en Aïkido

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poing-tsuki-aikidoLe coup de poing en aïkido est particulier à cette discipline. Il n’est pas un coup pour un coup, mais la représentation de l’utilisation d’une arme. Ce qui ne l’empêche pas d’être tout a fait efficace lorsque le besoin s’en fait sentir.

 

Jodan tsuki, chudan tsuki et plus exceptionnellement gedan tsuki, sont les trois niveaux de coups de poing que les pratiquants d’aïkido rencontrent dans leur étude. Ces attaques ont l’avantage de « parler » rapidement à l’esprit, car tout le monde a vu au moins une fois à la télé un cow-boy placer un bon crochet dans la mâchoire du méchant de service, ou un karateka armer et détendre son poing avec une efficacité redoutable. Mais il suffit de regarder deux minutes un maître d’aïkido pour s’apercevoir que son tsuki ne ressemble pas du tout à l’image que l’on s’en fait.

Le tsuki en aïkido ne s’arme pas. La main est au repos sur le côté de la hanche, le poing se ferme. Là, comme dans toutes les frappes avec le poing, il est vivement recommandé de fermer le poing le plus serré possible (seiken) afin de le durcir comme si c’était une pierre. Le travail des doigts est donc primordial. Tout comme avec le sabre, il faut fermer d’abord le petit doigt, puis l’annulaire, le majeur et enfin l’index. Le pouce se place sous les deuxièmes phalanges (phalangines) et renforce la fermeture des doigts. Il ne faut surtout pas placer le pouce à l’intérieur des doigts ou sur le côté, car il peut facilement se casser au premier gros choc.

La variante qui consiste à sortir légèrement l’angle du majeur en avant (yohon-nukite) nécessite d’une part de s’entraîner auparavant pour endurcir cette pointe, d’autre part de connaître correctement l’anatomie et les points vitaux afin de les toucher.

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(Roy Suenaka Sensei, jodan tsuki en réponse à chudan tsuki)

A peine le poing fermé, le bras part en direction de sa cible. Le mouvement se fait presque bras tendu, sans armer le coup au préalable. Le poing qui est en bout de bras suit donc une trajectoire du bas vers le haut en un quart de cercle vers l’avant. Le poignet reste dans la position de départ, sans se réorienter à l’horizontal comme au karate. Il arrive donc sur sa cible avec le poing vertical. L’impact se fait sur les premières phalanges (phalanges, les plus proches de la main), comme on le voit généralement dans tous les arts martiaux ou sports de combat du monde.

Pourquoi un tsuki aussi particulier qui paraît dénué de logique et de puissance ? En aïkido, toutes les techniques et toutes les attaques (mais pas les saisies) sont issues de la pratique des armes. Le coup de poing ne fait pas exception à la règle. Il représente une attaque avec une lame, plutôt courte, comme le tanto. Dans la tradition japonaise, les attaques au couteau se faisaient de deux manières. Avec le tranchant orienté vers le bas, le coup est fait pour percer : c’est une pique. Elle peut être mortelle, mais pas toujours. Le but peut être simplement de blesser, d’arrêter une agression. Avec le tranchant orienté vers le haut en revanche, ce n’est pas la même histoire. Le coup part du bas et remonte dans le ventre, avec l’intention d’ouvrir les entrailles : c’est une coupe. Elle est généralement mortelle, car les intestins coupés se réparent difficilement. De plus ce n’est pas une mort rapide (contrairement à une pique placée au cœur), mais qui provoque d’horribles souffrances avant de décéder. C’est pourquoi ce genre d’attaque était (est encore ?) puni plus sévèrement par la loi japonaise, car aucune excuse n’est possible. L’intention de tuer est automatiquement attribuée à cette attaque.

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 (Série de tsuki au Kempo pour travailler la vitesse et le geste)

C’est cette deuxième forme que l’on adopte dans le tsuki d’aïkido. Ce n’est donc ni illogique ni moins terrifiant qu’un tsuki de karateka. Mais alors pour développer la puissance du coup, comment faire ? Il est certes possible de s’entraîner modérément dans le ventre d’un partenaire afin de ressentir le contact d’un corps, tout en le renforçant. Un entraînement plus dur se fera sur un sac de frappe, un makiwara en bois, un mur. Mais l’important n’est pas là. Ce qui fait la puissance de l’aïkido ne réside pas dans ses frappes ou ses clés, mais dans le déplacement du corps. Lorsque le poing se lance, le corps suit le mouvement. Au moment de l’impact, le bras est parfaitement placé et le corps est en appui derrière. Le corps et le bras ne doivent d’ailleurs pas avoir totalement fini de se déployer et de pousser au moment du contact, afin d’obtenir un effet de transpercement le plus profond possible. Ainsi à la percussion s’ajoute une poussée. On retrouve là la notion de la lame qui s’enfonce. Si vous coordonnez la technique avec le souffle juste et l’énergie juste, la notion de kimei prend tout son sens. Le coup de poursuit en une onde et une poussée qui peuvent être plus destructrice pour les organes que l’impact lui-même. La puissance n’est donc pas absente du tsuki en aïkido, bien au contraire.

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(Gishin Funakoshi, fondateur du karate shotokan, travail sur makiwara)

Mais alors, pourquoi n’arme-t-on pas le tsuki comme au karate, en dehors de la symbolique du tanto ? Tout simplement parce qu’un poing qui s’arme informe à l’avance l’adversaire de ce qui se prépare et lui donne tout latitude pour se préparer ou profiter de l’armement pour déclencher sa propre attaque. Bien sûr il faut compter avec la vitesse d’exécution. Mais tout bon karateka a à cœur de faire disparaitre les signes annonciateurs de son attaque afin de surprendre son adversaire. Leur démarche rejoint l’attitude de base adoptée en aïkido.

Enfin et pour terminer sur ce sujet, nombreux sont les courants d’aïkido qui éludent les tsuki, ne les montrent pas ou peu, ne les marquent que symboliquement d’un geste à peine esquissé de la main. S’il s’agit d’un choix conscient, expliqué et clairement assumé par le professeur, alors les élèves savent de quoi il en retourne. Si en revanche, c’est la copie d’un geste d’un vieux maître, vous pouvez être sûr que dans sa jeunesse il a donné des milliers de tsuki et qu’aujourd’hui il n’en ressent plus le besoin. Par contre il est tout à fait capable de revenir à une version efficace du tsuki. Un élève qui ne ferait que mimer un tsuki parce que le maître fait ainsi, ne connaîtra jamais le fond de la question et n’aura jamais la capacité de frapper. Pour trancher ce débat récurrent dans le monde de l’aïkido (marquer le tsuki ou pas), il suffit de retourner à notre modèle, le fondateur lui-même. Les images parlant mieux que les mots, je vous laisse juger.

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(O Sensei avant-guerre : ura tsuki sur une attaque yokomen uchi)

 

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(O Sensei après-guerre : jodan tsuki sur yokomen uchi)

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(O Sensei après-guerre : chudan tsuki sur katadori men uchi)

Il existe un grand nombre d’images comme celles-ci. Que ce soit avant ou après guerre, O Sensei ne manquait jamais de marquer les tsuki. Mieux encore, il ne frappait jamais au hasard, mais sur des points vitaux. Mais ceci est une autre histoire…

 

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Ivan Bel

Depuis 30 ans, Ivan Bel pratique les arts martiaux : Judo, Aïkido, Kenjutsu, Iaïdo, Karaté, Qwankido, Taijiquanet Qigong. Il a dirigé le magazine en ligne Aïkidoka.fr, puis fonde ce site. Aujourd'hui, il enseigne le Ryoho Shiatsu et la méditation qu'il exerce au quotidien, tout en continuant à pratiquer et écrire sur les arts martiaux du monde entier.

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