Akuzawa, Matsuura et Tamaki : trois univers, trois inspirations

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East-Horyuji-Gate-Guardian-7th-CVoilà trois professeurs de qualité que j’ai eu la chance de voir récemment dans des conditions différentes. Face à tous ces stages, je n’ai pas pris le temps de rédiger un compte-rendu détaillé pour chacun, mais pour n’en oublier aucun, voici ce que j’en ai retenu.

 

Akuzawa Senseï est l’une des personnes qui m’intriguait le plus. A force de lecture, je m’étais intéressé au fondateur de l’Aunkaï. Cette discipline semble impressionnante, par le peu que l’on peut en voir sur les vidéos, mais rien ne vaut l’expérience directe. Grâce à Léo, Akuzawa Senseï était présent à Bruxelles pour le plus grand bonheur des fans qui l’avaient déjà côtoyé à Paris, et pour les curieux dont j’étais.

 

Découverte de l’Aunkaï

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Grâce à mes aventures et pérégrinations en Asie, j’ai eu l’occasion de voir pas mal de maîtres d’arts martiaux tout à fait étonnants. Mais avec Akuzawa, je crois avoir atteint le summum du yang. L’homme est décontracté, souriant et sérieux à la fois. On le sent investi par l’importance de son art. A chaque mouvement ou déplacement de sa part, je peux constater à quel point il maîtrise son corps. Il n’avance pas sur le tatami, il déroule une intention et on pourrait presque voir tous les muscles jouer dans une sorte de mouvement fluide et conscient. Je ne sais pas trop comment rendre cette impression par les mots, mais on l’imagine très bien exploser à tout moment. Il le confirme d’ailleurs assez rapidement par cette phrase « vous devez être comme une eau sous pression, prêt à jaillir avec force depuis n’importe quel point ».

Techniquement son travail en stage d’initiation est assez basique mais très physique. Ce n’est donc pas la complexité des exercices qui perturbe au premier abord, mais leur profondeur immédiate. Ces exercices sont bien décrits sur d’autres blogs, je me contente donc de vous inciter à aller lire leurs articles. En tous les cas, on perçoit bien que les exercices comme maho ou tenchijin sont là pour mettre en place une structure. Une fois la structure en place, le travail peut commencer réellement. Les quelques mouvements libres exécutés par Akuzawa sont terrifiants. Sa frappe avec le bras délié comme un fouet possède une puissance dévastatrice bien supérieure à tout ce que j’ai pu voir en karaté par exemple. Sa vitesse de mouvement additionnée au maintien de sa structure le rend quasi-intouchable ou indestructible.

Juste pour vous donner une idée. Le premier exercice du stage consistait en une série de mouvement dont un pied qui se lève et retombe en frappant le sol, un peu à la manière des sumotoris. Nous étions 24 participants à frapper du pied sans rien faire de plus qu’un peu de bruit. Akuzawa nous reprend en nous disant que ce n’est pas une bonne circulation du mouvement et que cela ne dégage rien. Il lève son pied et frappe le sol. Le tatami a vibré de bout en bout de la salle sous nos pieds, comme si un éléphant venait de frapper de tout son poids. Très impressionnant.

Un dragon en devenir

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Autre impression forte, la saisie. Akuzawa fait 62 kg et un peu plus d’1,65m. A le voir il n’est pas très impressionnant, si ce n’est cette façon qu’il a d’utiliser son corps pour marcher et dérouler ses mouvements. Lors d’un exercice de saisie, j’ai la possibilité de l’attraper. Et là, il y a un décalage incroyable entre ce que l’on voit et ce que l’on ressent. D’un côté la vue informe d’un petit monsieur sympathique pas trop lourd à déplacer et de l’autre, la sensation qu’il s’agit sinon d’une montagne, au moins d’un énorme rocher. Il ne faut donc pas se fier aux apparences avec ce professeur-là.

Tout le travail d’Akuzawa Senseï est typiquement yang. Il travaille le plein, tellement plein qu’il déborde de toutes parts et que parfois on peut le sentir légèrement frustré de ne pouvoir donner sa pleine mesure, même sur son deshi qui subit déjà beaucoup de la part de son maître. Pour un aïkidoka, ce travail est très troublant lorsqu’on est habitué à chercher le vide dans les mouvements. Pourtant, il est facile d’imaginer la puissance que l’on peut acquérir au sein de l’aïkido en mélangeant le plein avec le vide, comme je le laissais entendre dans mon article sur la montagne vide. Akuzawa Senseï à 43 ans n’est pas un grand maître, il est encore jeune. Sa recherche et son évolution est constante. Mais c’est déjà un immense professeur, à tel point qu’aucun 6° ou 7° dan européen ne peut soutenir la comparaison. Il sera passionnant de suivre dans son chemin vers la maturité. Pour moi, c’est un dragon en devenir.

 

Matsuura et les spirales

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Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu le temps d’aller voir Masato Matsuura Senseï. J’aime beaucoup l’homme, l’acteur de théâtre et le professeur de sabre. Il revenait d’un long périple qui l’avait conduit à travers l’Europe et le Japon où il est allé (entre autre) se recueillir à Kashima, haut lieu de l’escrime japonaise. Matsuura a beaucoup changé depuis que je le connais. Son travail infatigable de recherche et d’unification des principes l’ont fait mûrir plus que je ne m’y attendais. Son visage change, son corps se renforce, sa démonstration physique est de plus en plus claire et permet de comprendre sans les mots ce qu’il cherche à exprimer.

Nous nous sommes revus dans le cadre d’un mini cours de iaïjutsu pour Bruno Marin (son deshi) et moi-même, le tout inclus dans une séance photo pour son futur livre à paraître chez Budo Editions, livre qui se fait sous la direction de mon ami Yon Costes (qui a déjà réalisé Mitori Geiko avec Jaff Raji). Cette séance m’a montré les évolutions de Matsuura Senseï dans ses techniques de sabre. Il a fondé son école sur les mouvements énergétiques de la Terre et du Ciel. Pour ceux qui étudient l’énergie (notamment mes amis du shiatsu), ils savent que ces mouvements se font en spirale vers le haut et vers le bas. Lui reproduit lisiblement dans son corps ces spirales, spirales encore plus visibles lorsqu’il fait du sabre. Cela m’a fait plaisir de voir à quel point ces mouvements tourbillonnants étaient maintenant clairs dans sa gestuelle, preuve de la somme de travail effectuée. Cela m’a rappelé à quel point il est urgent pour moi de reprendre des cours de kenjutsu et iaïdo avec lui.

 

Retour au vide avec Léo Tamaki

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L’aïkido avec Léo Tamaki est toujours une source de plaisir et d’inspiration. A vrai dire il est le dernier professeur à me surprendre encore, notamment parce qu’il me montre des techniques que je ne connais pas dans une discipline que je pratique pourtant depuis 25 ans. Mais plus que cela, c’est la finesse de son travail qui est vraiment délectable pour un gourmet dans mon genre. Après le plein de yang, la circulation en spirale, me revoilà de retour dans l’univers du yin. Finesse du toucher, minimalisme des mouvements, précision millimétrique et travail des sensations, j’ai toujours l’impression d’accéder directement à la cerise en haut du gâteau avec lui. Une fois les sensations mises en place, il suffit de choisir sa direction. Un peu petit peu plus de yin et le mouvement créé un vide dans lequel uke plonge. Un peu plus de yang et uke décolle littéralement avec une impression de puissance étonnante. Ceci montre que dans le travail pédagogique qu’il met en place lors de ses stages (je ne le connais pas dans son dojo, pas encore du moins), il joue sur la ligne étroite de la neutralité technique, celle qui met en place tous les éléments. Après, la nature humaine fait que untel va choisir de supprimer un peu plus de présence ou l’autre d’en rajouter, mais dans les deux cas la technique passe. C’est très fort.

Bien qu’ayant à peu près tous les deux le même âge, je me sens très loin de sa capacité et c’est sans complexe que je me régale lors de ses passages. J’ai profité de l’occasion de le voir longuement en soirée pour discuter. Sa compréhension profonde des arts martiaux, de la pédagogie et du sens martial du Budo, en fait un partenaire intellectuel aussi agréable qu’enrichissant. J’en ai profité pour lui faire une petite interview « people » amusante, à lire prochainement sur le blog. Attention, de nombreuses révélations croustillantes à venir. Ne ratez pas le prochain épisode sur ce blog, dont le ton n’aura rien à voir avec tout ce que j’ai fait jusqu’ici.

 

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Ivan Bel

Depuis 30 ans, Ivan Bel pratique les arts martiaux : Judo, Aïkido, Kenjutsu, Iaïdo, Karaté, Qwankido, Taijiquanet Qigong. Il a dirigé le magazine en ligne Aïkidoka.fr, puis fonde ce site. Aujourd'hui, il enseigne le Ryoho Shiatsu et la méditation qu'il exerce au quotidien, tout en continuant à pratiquer et écrire sur les arts martiaux du monde entier.

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