Armes et habits du sohei

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Sohei_02La tenue des moines guerriers vaut que l’on s’y arrête, parce qu’elle représente l’exact mélange de deux mondes auxquels ils appartiennent : celui de la vie monastique et de celui des guerriers.

La tenue de base des sohei est avant tout celle des moines. Il consiste en une longue robe monastique bouddhiste qui n’a guère variée en 12 siècles d’existence. aujourd’hui encore, on peut voir ces moines dans ce même costume. En réalité, au-dessus des sous-vêtements blancs, le sohei revêt une série de kimono, dont le dernier est de couleur blanche, brune ou safran. Par dessus ce dernier kimono, il ajoute un manteau généralement noir.

Lorsqu’ils combattaient ou faisaient une démonstration de force dans les rues de Nara ou Kyoto, les sohei pouvaient facilement porter une armure (yoroi) à la mode des bushi. Plusieurs styles de yoroi avait cours : ceux fait avec des lamelles de bambous et ceux plus lourds qui comportait du métal. Cependant, la première avait la préférence des sohei pour plusieurs raisons. Tout d’abord c’était évidemment moins lourd à porter. Ensuite, à cause des nombreux kimonos qu’ils portaient c’était la plus pratique et la plus adaptable. Enfin, parce que pour l’utilisation de la naginata, c’était la tenue qui laissait le plus d’amplitude possible. Le yoroi complet des grands bushi ne convenait pas, d’autant que le sohei étaient rarement à cheval mais allaient plutôt à pied. C’est d’ailleurs assez logique : pour garder des temples, ce qui est la raison première d’exister des sohei, nul besoin d’avoir une cavalerie. Seule différence notable avec la tenue des bushi était, hors période de combat, l’absence de plaque frontale pour se protéger des flèches ou des coups de lames. A l’inverse, ils nouaient un tissus autour du front tout comme les artisans ou les paysans, pour retenir la sueur. Ou alors, ils nouaient un tissu blanc plus large qui enserraient la tête et couvrait le visage, à l’exception des yeux.

Pour ce qui est des armes, l’équipement de combat dépend vraiment de l’époque. Au 12ème siècle lors des premiers sohei, l’uniforme tel que décrit juste avant était courant. Il fallait faire bonne impression et aucun autre modèle que celui des bushi n’avait lieu à ce moment-là. Les armes étaient donc les mêmes également. Un grand sabre (tachi) se portait à la ceinture, tranchant vers le bas car il fallait les deux mains pour pouvoir le dégainer, vu qu’à la base c’était une arme de cavalier. Un tanto sous le bras droit venait compléter l’arsenal à la ceinture (obi). L’arc (yumi) était également de rigueur. Là aussi, l’arc était une arme de cavalerie et dans le mimétisme de l’époque, il était de bon ton de faire comme la noblesse, c’est à dire comme la chevalerie. D’ailleurs, les moines étaient bien entraînés au kyujutsu (technique de tir à l’arc) et à l’art connu sous le nom de yabusame, tir sur cibles en bois sur un cheval au galop.

Sohei_01Mais l’arme par excellence des sohei, qui n’était pas ou peu utilisée par les bushi mais plutôt par la piétaille, était la naginata. Cette arme qui est l’équivalent du fauchard européen, était très impressionnante. Sa lame fichée au bout d’un solide bâton était réalisée dans les mêmes règles de l’art que les sabres. L’allonge qu’offrait le bâton permettait de ne craindre personne avec cette arme, pas même des bushi munis de tachi. Les pélerins et autres visiteurs du Mont Hiei ou d’autres temples, passaient toujours par une porte solennelle gardée par des sohei et leurs terribles naginata, ce qui suffisait à calmer les ardeurs des provocateurs ou des voleurs. De plus, les sohei étaient entraînés pendant des années avec cette arme et la maniait comme personne. L’air inquiétant des moines était renforcé par leur visage masqué et leurs yeux terribles, à l’instar du dieu Fudo.

Les naginatas du 12ème siècle avaient différentes formes, et la préférée des sohei avait le bout du bâton en métal, notamment pour contrebalancer le poids de la lame. De plus, la lame était presque aussi longue que le manche dans le modèle le plus courant, appelé shobuzukuri naginata. Avec cette lame en main, plus toutes les autres armes qu’ils portaient sur eux, aucune personne dans la population ni même chez les nobles n’osait s’opposer à eux sans y réfléchir à trois fois.

La tenue et l’équipement décrit précédemment changera toutefois avec les époques et notamment dans les grands affrontements du 16ème siècle. La tenue des sohei, surtout ceux du mouvement ikko-ikki (que j’aborderai dans de prochains articles)  n’est plus aussi régulière qu’avant et emprunte moins à l’équipement des bushi que leurs prédécesseurs. Tout d’abord les yoroi se font moins fréquent et seuls les chefs en possédaient. Pour la troupe, c’était un peu tout ce qu’on pouvait trouver ou acheter. Le matériel de combat était des assemblages de pièces que l’on pouvait se procurer à bas prix après les batailles. Il y avait tant de ces batailles, que ce n’était pas un problème en soi. Le yoroi complet n’était plus beaucoup porté donc, car fort cher, mais l’époque ayant changé, on trouvait davantage d’équipement léger, celui des ashigaru, la piétaille des champs de batailles. C’est ainsi que un grand nombre de sohei du mouvement populaire ikko-ikki était équipé d’un plastron léger et d’un chapeau conique rigide, fait pour la guerre.

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Autre changement significatif, celui de l’armement, qui explique également la diminution des yoroi. Si les plus traditionnalistes maniaient toujours la naginata, la plupart était passé à la lance (yari) qui avait été introduite au 14ème siècle.  Mais pour ne pas avoir de désavantage sur leurs ennemis, les moines guerriers s’étaient surtout équipés d’arquebuses. D’ailleurs les sohei faisaient parti des meilleurs clients des portugais et des premiers armuriers japonais. La puissance des balles rendait de facto obsolète les armures, ceci expliquant cela.

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Autre changement qui reflète bien le 16ème siècle est la présence de bannières verticales dans le dos des sohei. Tout comme les armées régulières, les sohei se reconnaissait entre eux par leurs drapeaux. Mais au lieu de dessiner les symboles des clans (môn), ceux-ci écrivaient des slogans comme “Namu Amida Butsu” (vive le bouddha Amida) ou encore “celui qui avance va au paradis, celui qui recule va en enfer”. Les autres sectes bouddhistes n’étaient pas en reste non plus, bien entendu avec “Vive le lotus de la loi divine” pour les membres de la secte du Lotus par exemple.

Ce qui est important à retenir dans l’équipement des sohei est tout d’abord qu’il reflète inévitablement leur époque. Mais également qu’ils avaient pour habitude de porter le plus grand nombre d’armes possibles. On voit d’ailleurs sur certaines représentations du célèbre moine Benkei qu’il peut porter jusqu’à 9 armes à la fois, ce qui est bien entendu plus symbolique que pratique. On ne sait si cela participait d’une tactique d’intimidation de l’adversaire ou d’un besoin de compenser le fait que malgré toute leur volonté, les sohei n’étaient pas des guerriers professionnels.

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Ivan Bel

Depuis 30 ans, Ivan Bel pratique les arts martiaux : Judo, Aïkido, Kenjutsu, Iaïdo, Karaté, Qwankido, Taijiquanet Qigong. Il a dirigé le magazine en ligne Aïkidoka.fr, puis fonde ce site. Aujourd'hui, il enseigne le Ryoho Shiatsu et la méditation qu'il exerce au quotidien, tout en continuant à pratiquer et écrire sur les arts martiaux du monde entier.

2 réflexions sur “Armes et habits du sohei

  • 16 juillet 2014 à 14 h 07 min
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    Bonjour,

    Est-ce que les Sohei existent toujours? Si oui,où? Yamaboshi et Sohei sont les mêmes où sont-ce encore d’autres personnages différents des yamabushi?!
    Merci à vous.

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    • 11 août 2014 à 17 h 16 min
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      Bonjour Renshi,
      A priori les sohei n’existe plus à la fin des événements que je relate dans mes articles. Par contre, il se peut que des Yamabushi circulent encore dans les montagnes du Japon. Aucune idée, il faudrait demander à mon ami Guillaume Erard qui est sur place.
      Au plaisir;

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